L’orangeraie entre en scène à l’opéra

Grande première de l’opéra L’orangeraie au Monument-National, hier soir (19 octobre 2021). Cette histoire de Larry Tremblay qui fut d’abord un roman, avant d’être transposée au théâtre, est maintenant racontée sur une musique du Franco-Libanais Zad Moultaka. La partition est riche en mélodies et en choeurs. En plus d’être de bons chanteurs, les interprètes sont très imprégnés de leurs rôles. Il en résulte des scènes d’une grande vérité, où l’on a parfois l’impression d’être devant des personnes réellement impliquées dans une terrifiante histoire de kamikaze, comme on en rapporte si souvent dans les médias. Plus encore, le spectacle se termine sur d’émouvantes notes d’espoir chantées a cappella.

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Crédit photo : Vanessa Fortin

Lorraine Vaillancourt, directrice artistique du Nouvel Ensemble Moderne, a eu la main heureuse en choisissant le compositeur Zad Moultaka pour écrire la musique de L’Orangeraie. Cet homme qui a connu la guerre à Beyrouth, signe une partition qui fait entendre le tumulte guerrier, notamment avec les percussions, mais où l’orchestre trouve aussi les couleurs et les tons pour évoquer les tiraillements familiaux, l’amour, ainsi que le rêve par une nuit étoilée.

Du début à la fin de ce spectacle de 90 minutes, le NEM n’empiète jamais sur le texte chanté ou parlé. Larry Tremblay signe un livret limpide d’où émane la logique qui mène à se faire kamikaze. Les croyances religieuses, l’honneur, le devoir, ainsi que l’autorité du père et de la mère sont habilement incarnés par des personnages bien actuels. L’histoire se termine d’ailleurs tout près de nous, en Amérique.

Une fable d’aujourd’hui

Crédit photo: Vanessa Fortin

Chaque scène nous amène à suivre le parcours tragique des jumeaux Amed et Aziz, pris malgré eux dans l’engrenage de la guerre. Ils vivent avec leurs parents dans une orangeraie ciblée par une attaque qui a fait périr leurs grand-parents. Zahed, le père des deux garçons, va répliquer à ce bain de sang, comme le réclame Soulayed, le chef armé d’un village voisin.

Zahed doit choisir lequel de ses fils deviendra un enfant kamikaze. Il n’est pas question pour lui de
sacrifier Aziz qui souffre d’une maladie mortelle; ce serait insulter Dieu ! C’est donc Amed qui partira. De son côté, Tamara n’accepte pas le choix de son mari. Elle réussit à convaincre Amed de laisser son frère porter la ceinture d’explosifs. Mais, Amed est pris de remords et révèle la vérité à son père, qui l’expulse de la maison.

Une dizaine d’années plus tard, le jeune homme exilé en Amérique participe à un tournage où on lui propose un rôle qui le replonge dans son enfance tragique. Acceptera-t-il ce rôle ? Réussira-t-il à vaincre les fantômes de son passé cruel ?

Crédit photo: Vanessa Fortin

Performances et mise en scène

Malgré son rôle impopulaire de militaire entêté, le baryton Dion Mazerolle (Soulayed) offre l’une des plus fortes performances de la soirée. Le contre-ténor Nicholas Burns incarne un bouleversant Amed. La soprano Nathalie Paulin apporte, elle aussi, beaucoup de nuances à son rôle de mère tiraillée (Tamara) qui utilise l’un de ses fils pour arriver à ses fins. Quant à Jean Maheux (Mikaël), son rôle de comédien empathique semble couler de source.

En général, la mise en scène de Pauline Vaillancourt est dynamique, quoique parfois, on se retrouve avec des temps morts entre certains tableaux. Parions que le tout sera resserré au cours des prochaines représentations. Enfin, de belles projections tiennent lieu de décor.

Alors que le roman L’orangeraie est connu internationalement, depuis sa parution, entre autres, en anglais, arabe, chinois, allemand et italien, souhaitons un parcours similaire pour l’opéra de Zad Moultaka et Larry Tremblay.

L’orangeraie 

Zad Moultaka : musique / Larry Tremblay : livret

Pauline Vaillancourt : mise en scène /  Dominique Blain : scénographie et vidéo

Interprètes

Nicholas Burns (contre-ténor) / Dion Mazerolle (baryton) / Jacques Arsenault (ténor) / Nathalie Paulin (soprano) / Arthur Tanguay-Labrosse (ténor) / Stéphanie Pothier (mezzo-soprano) / Alasdair Campbell (baryton) / Simon Chaussé (baryton) et Jean Maheux (dans le rôle du comédien Mikaël)

Nouvel Ensemble Moderne / Lorraine Vaillancourt, cheffe

À Montréal, au Monument-National : les 19, 20 et 21 octobre 2021, ainsi qu’en reprise les 5 et 6 novembre 2021 À Québec, au Diamant : les 5 et 6 novembre 2021