Les Mains bleues

Date de parution: mars 1999

Description:

Jérémie, un homme « en forme de petit garçon », exprime sa souffrance et son agressivité dans un délire verbal qui lui échappe par saccades. Apparaît Princesse, femme à tête de chien qui, du fond de sa propre douleur, manifeste pour lui amour et cruauté. Un conte féroce sur la transmission de la violence.

Création du spectacle:

Théâtre de l’Atalante, Paris, mise en scène de Michel Cochet, 10 mars 1999

Autres productions:

Théâtre d’Aujourd’hui, 26 mars 1999;

texte Larry Tremblay mise en scène Martin Faucher interprétation Sylvie Drapeau, Hugues Frenette assistance à la mise en scène et régie Suzanne Bouchard scénographie Claude Goyette costumes Carmen Alie, Denis Lavoie éclairages Marc Parent musique originale Michel F. Côté accessoires Linda Brunelle maquillagesJacques-Lee Pelletier perruques Cybèle Perruques

Mot de l’auteur:

Ne pas être aimé
la plus grande blessure

la lumière se réfugie
dans les doigts
les ongles les dents

la blessure se ferme
elle fait du bruit
empêche le sommeil

la blessure s’ouvre
elle invente le destin
convoque les fantômes

une tête un mur
un mur une tête

cogner
cogner
dormir

Jérémie vient de la rue,
habite un cul-de-sac,
parle avec plusieurs
bouches. Il fait peur
parce qu’il a quelque
chose sur le coeur.

Dors-tu?
Oui.
Comment c’est?
Comme un oeil.

Bon spectacle!

Mot du metteur en scène:

Automne 1997. Le hasard fait en sorte que je lise le manuscrit des Mains bleues. Ce texte ne m’était pas destiné comme metteur en scène. Je le lis quand même par curiosité: horreur devant la souffrance du personnage de Jérémie, émerveillement devant la poésie de la créature qu’est Princesse. Quelque cinquante minutes après avoir lu le premier mot, le dernier s’imprime cruellement en moi. Princesse dit: « je m’enfonce dans le noir. » FIN. Exaltation, vertige, stupeur. On m’a raconté une histoire, une fable. Des mots ont dansé devant mes yeux, des sensations ont surgi dans mon ventre. L’expression « le verbe se fait chair » s’est fait intimement ressentir. Deux jours plus tard les pages du manuscrit de Larry Tremblay jonchent mon divan entre un vieux Devoir du samedi et le Voir de la semaine, mais Jérémie continue inlassablement d’arpenter des trottoirs sordides et Princesse d’errer dans les couloirs d’un château merveilleux. On m’a raconté une histoire. Je suis un enfant qui dit « encore », je suis un adulte qui dit « est-ce que c’est ça la vie? » Jérémie bégaie dans ma tête, Princesse ondoie dans mon coeur. Hiver 1998. Le manuscrit enchanté traine quelque part sous le sofa parmi les moutons de mon plancher et je me demande bien de quelle couleur est parée Princesse aujourd’hui. Le téléphone sonne et moi je réponds. Une étoile filante passe. Contre toute attente une voix m’offre de monter Les mains bleues. Un voeu s’exauce. Je dis oui je le veux. Depuis ce jour des couleurs ont jailli, des étoffes se sont tissées, des musiques se sont composées, des gestes se sont esquissés. L’histoire prend forme afin que nous puissions l’offrir à d’autres adultes qui diront « est-ce que c’est ça la vie? » et à d’autres enfants qui diront « encore ».

J’offre ce spectacle au chorégraphe Daniel Léveillé pour qui j’ai dansé en 1989 le solo Les Traces #1. La rigueur et l’intransigeance artistique dont il fait preuve dans son travail m’ont été une source d’inspiration inestimable pour cette mise en scène. Je lui en serai toujours redevable.

-Martin Faucher